Le Conseil constitutionnel a été saisi le
9 juillet 2010 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le syndicat CGT-FO et
autres. Cette question portait sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2122-2 du code du travail.
L'article L. 2122-2 du code du travail a été introduit dans ce code par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Il définit les règles
pour la mesure de la représentativité des syndicats catégoriels s'ils sont eux-mêmes affiliés à une confédération syndicale catégorielle. Le critère
d'audience est de 10 % des voix dans le collège électoral correspondant à la catégorie que le syndicat a spécialement vocation à représenter.
Le syndicat CGT-FO et autres soutenaient que cet article méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit et notamment la liberté syndicale et le principe d'égalité devant la loi.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs :
- D'une part il a jugé que le législateur avait entendu éviter la dispersion de la représentation syndicale. En fixant le seuil de l'audience à 10 %, il n'a pas méconnu la liberté syndicale ni
le Préambule de la Constitution de 1946.
-D'autre part, les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une
confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales. En prévoyant que, pour les organisations
syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont vocation à présenter des candidats, le législateur a institué une différence de traitement
en lien direct avec l'objet de la loi. Il n'a pas méconnu le principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel a jugé que l'article L. 2122-2 du code du travail est conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12142 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat CGT-FO ainsi que MM. Alexandre G. et Stéphane R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
de l'article L. 2122-2 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Société ROBERT BOSCH FRANCE par la SCP Célice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 août 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ;
Vu les observations en intervention produites pour la CFE-CGC par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 août 2010 ;
Vu les observations produites par les requérants, enregistrées le 28 septembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Zoran Ilic pour les requérants, Me Damien Célice pour la Société ROBERT BOSCH FRANCE et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique
du 5 octobre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-2 du code du travail : « Dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux
dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle
interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires
au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants » ;
2. Considérant que, selon les requérants, cet article méconnaît la liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et le
principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du droit syndical » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur,
statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui
appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
4. Considérant, d'une part, que les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 disposent : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action
syndicale et adhérer au syndicat de son choix... ° Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion
des entreprises » ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit
qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons
d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en œuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à
la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales ; que la disposition contestée tend à
assurer que la négociation collective soit conduite par des organisations dont la représentativité est notamment fondée sur le résultat des élections professionnelles ; que le législateur a
également entendu éviter la dispersion de la représentation syndicale ; que la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n'impose pas que
tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience ; qu'en fixant le seuil de cette audience à 10 % des suffrages exprimés au premier tour des
dernières élections professionnelles quel que soit le nombre de votants, le législateur n'a pas méconnu les principes énoncés aux sixième et huitième alinéas du Préambule de 1946 ;
7. Considérant, en second lieu, que les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui
sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales ; qu'en prévoyant que,
pour les organisations syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont vocation à présenter des candidats, le législateur a institué une
différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
8. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
DÉCIDE :
Article 1er.- L'article L. 2122-2 du code du travail est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958
susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel
CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 7 octobre 2010.
Pour en savoir plus, cliquez sur ces liens :
audience vidéo du Conseil Constitutionnel
version pdf de la décision : cc-201042qpc
Bernard VanCraeynest, président de la CFE-CGC, prend acte de la décision du Conseil constitutionnel qui valide les dispositions de la Loi du 20 août 2008 propres à la représentativité des organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle.
Cela permet à la CFE-CGC de poursuivre la construction de son avenir en toute indépendance et avec sérénité.
Cela conforte 66 ans de représentation et de défense des salariés de l’encadrement.
Communiqué de la Fédération de la Métallurgie CFE-CGC
La CFE-CGC Métallurgie se félicite que le syndicalisme catégoriel soit reconnu comme conforme à la constitution.
La CFE-CGC Métallurgie se félicite que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 octobre 2010 reconnaisse l’existence du syndicalisme catégoriel et par voie de conséquence du syndicalisme d’encadrement.
Celui-ci a validé les dispositions légales relatives à l’appréciation de la représentativité de la CFE-CGC dans les seuls collèges où elle a vocation statutaire à présenter des candidats.
Cette décision lève définitivement une hypothèque sur l’avenir de la CFE- CGC.
Articles de presse :
PARIS, 20 juil 2010 (AFP) Le Conseil constitutionnel a validé jeudi une loi considérée comme une révolution dans le droit social français, celle de la représentativité syndicale, mettant fin à deux ans d'incertitude et levant une lourde hypothèque qui pesait sur l'avenir de la CFE-CGC.
Alors qu'auparavant, cinq confédérations syndicales - CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO - bénéficiaient d'une présomption de représentativité, la loi du 20 août 2008 avalisée par la haute juridiction, fait dépendre la représentativité syndicale du vote des salariés, donnant ainsi une prime aux syndicats les plus puissants.
En vertu de cette loi, fruit d'une négociation qui avait abouti entre la CGT et la CFDT d'un côté, le Medef et la CGPME d'autre part, les syndicats sont représentatifs dans l'entreprise dès lors qu'ils ont obtenu 10% des voix dans l'ensemble des collèges (ouvriers, employés, maîtrise et cadres).
C'est ainsi que FO, la CFTC et la CFE-CGC ne sont plus représentatives au plan national à la SNCF et n'ont plus voix au chapitre.
Pour être représentatifs au niveau d'un secteur professionnel et au niveau national, il faut recueillir 8% des voix, à partir de la totalisation des résultats des élections professionnelles dans les entreprises.
Cette loi est contestée depuis sa promulgation par FO et la CFTC, qui y voient "une atteinte à la liberté syndicale". FO a même saisi à ce sujet l'Organisation internationale du travail, qui ne s'est pas encore prononcée.
Auparavant, les syndicats nationaux ou de branches désignaient des délégués syndicaux dans les entreprises. Désormais, il faut avoir 10% des voix pour avoir un délégué syndical.
Il y a un an, le tribunal d'instance de Brest avait fait sensation en prenant à son compte l'argumentation de FO. Saisie par la CFDT et le ministère du Travail, la Cour de cassation avait cassé ce jugement.
Mais les nouvelles règles pouvaient encore être contestées grâce à la réforme de la Constitution en 2008 autorisant les justiciables à soulever une "question prioritaire de constitutionnalité" (QPC).
Saisie par FO dans une affaire postérieure à celle de Brest, la Cour de cassation s'était tournée vers le Conseil constitutionnel.
Pour valider la loi, les Sages du Palais-Royal ont notamment argué que "la liberté d'adhérer au syndicat de son choix", un principe de valeur constitutionnelle, "n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme représentatifs indépendamment de leur audience".
Autre point capital, le Conseil a jugé conforme à la Constitution la fixation de règles différentes pour les syndicats non catégoriels et les syndicats catégoriels.
Pour les syndicats non catégoriels, le seuil des 10% des voix s'applique en faisant la moyenne des collèges (ouvriers, employés, maîtrise et cadres).
Pour les syndicats catégoriels, à l'instar de la CFE-CGC chez les cadres, ce seuil est calculé dans les seuls collèges dans lesquels ils ont vocation à présenter des candidats.
Sur ce point, la juridiction du Palais-Royal considère que "le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi": mesurer l'audience syndicale au plus près des salariés.
En tranchant en ce sens, le Conseil enlève une épine dans le pied de la CFE-CGC. Son président, Bernard van Craeynest, a exprimé sa satisfaction devant une décision qui lui "permet de poursuivre la construction de son avenir en toute indépendance et avec sérénité".